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Research Article
27 October 2023

Science virale : comment la COVID-19 a changé la représentation médiatique de la science

Publication: Canadian Journal of Communication
Volume 48, Number 3

Abstract

Abstract

Background: Media representations of science have changed little over the past few decades, despite numerous calls for their enrichment.
Analysis: The shock caused by the COVID-19 pandemic has changed how the media represent science. This computational analysis of two large samples (news articles and Facebook posts) from French language news media in Canada describes and quantifies these changes.
Conclusions and implications: Science has been more present in the media. It has generated more public interactions. It has become more associated with political regulation and more explicitly uncertain. Indeed, the authors measure a 20 to 25 percent shift on these variables.

Résumé

Contexte : La représentation médiatique de la science a peu évolué au cours des dernières décennies, en dépit de nombreux appels pour l’enrichir.
Analyse : Le choc énorme causé par la pandémie de COVID-19 a modifié la représentation médiatique de la science. Notre analyse computationnelle de deux grands corpus (articles d’actualité et publications Facebook) provenant de médias d’information francophones du Canada caractérise et quantifie ces modifications.
Conclusions et implications : La science a été plus présente dans les médias. Elle a généré plus d’interactions du public. Elle a été plus associée à la régulation politique et est devenue plus explicitement incertaine. Nous mesurons un déplacement de 20 à 25% sur ces variables.

Introduction

Depuis des décennies, des acteurs scientifiques influents soulignent les limites de la représentation de la science dans les médias de masse (Editorial, 2008; Royal Society, 1985). Jusqu’à tout récemment, cette représentation manifestait une forte inertie : la science, malgré son ubiquité dans les sociétés contemporaines, était relativement peu présente dans les médias et elle était représentée selon un cadrage étroit, qui sous-représentait certaines de ses propriétés centrales (Dunwoody, 2014; Wormer, 2009).
Dans les premiers mois de la pandémie de COVID-19, certains ont suggéré que la représentation médiatique de la science était en pleine mutation. Le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, affirmait ainsi que « la science en ce temps de pandémie planétaire prend plus de relief en termes de visibilité dans la société, de pertinence et d’importance aux yeux des milieux de décision et du grand public » (2020).
Cette affirmation est-elle exacte? Jusqu’à quel point et dans quelle direction la représentation médiatique de la science s’est-elle déplacée avec la pandémie? En utilisant deux grands corpus de médias francophones au Canada (plus de 960 000 articles de presse et plus de 160 000 publications des pages Facebook des médias de notre corpus), cet article s’appuie sur des méthodes quantitatives et de traitement automatique du langage (Kao et Poteet, 2010) pour répondre à ces questions. Notre enquête contribue à caractériser l’inertie de la représentation médiatique de la science. Pour ce faire, nous mesurons l’ampleur du déplacement de cette représentation lors d’un choc gigantesque sur le champ médiatique. Ce choc, c’est la COVID-19, qui devient un sujet incontournable à la fin de l’hiver 2020 : pendant plusieurs mois, la majorité des publications médiatiques la mentionneront (voir figure 2 ci-dessous). Nos résultats montrent qu’au cours des premiers mois de la pandémie de COVID-19, la science a été davantage mobilisée par les journalistes dans leurs reportages et que le public a davantage interagi sur Facebook avec des publications liées à la science. Le cadre de la représentation de la science par les médias a également été élargi, mettant davantage en relief son rôle politique et son caractère incertain.
Les autres articles publiés sur la science dans les médias pendant la pandémie n’ont fait que des références passagères et non systématiques à la période prépandémique (Bridgman et al., 2020; Crabu et al., 2021; Hart et al., 2020). En comparant systématiquement la première vague de la pandémie aux trois années précédentes, notre étude permet de situer cet épisode dans la trajectoire amplement étudiée de la représentation médiatique de la science (Metcalfe et Gascoigne, 1995; Pellechia, 1997; Schäfer, 2011; Summ et Volpers, 2016). Nous détectons des déplacements de 20 à 25% sur l’ensemble de nos variables. Vu l’ampleur du choc provoqué par la pandémie, nous considérons que ce déplacement est faible. Nous corroborons ainsi le résultat général d’une inertie relativement forte du champ médiatique.
Une autre contribution de notre article est le développement de nouvelles stratégies pour mesurer des propriétés dans les articles de presse telles que le degré d’incertitude associé à la science et la force de l’association de la science avec le politique. Ces stratégies permettront dans des études ultérieures de mieux caractériser la trajectoire à long terme de la représentation médiatique de la science.

La science dans les médias généralistes

La science et ses représentations médiatiques

Nous considérons la science comme une vaste entreprise systématique et collective de production de connaissances. Cette entreprise s’est institutionnalisée au début du 19e siècle avec le modèle de l’université moderne combinant la recherche avec la formation des nouvelles cohortes de scientifiques (Charle et Verger, 1994). La science a connu diverses mutations depuis : spécialisation toujours croissante (Price, 1963), ramifications de l’expertise scientifique dans l’appareil public (Jasanoff, 1990), valorisation de la science comme moteur économique par l’innovation (Etzkowitz et Leydesdorff, 1995), demandes de démocratisation de la science (Callon et al., 2001; Kitcher, 2001), etc. Ces mutations sont étudiées par le champ STS ou Sciences, technologies et sociétés (Prud’homme et al., 2015).
Comme phénomène social complexe, la science fait l’objet de représentations sociales, c’est-à-dire d’« assemblage[s] structuré[s] de références sémantiques et cognitives » utilisés par « des acteurs sociaux … pour communiquer, comprendre et maîtriser l’environnement » (Seca, 2010, p. 15). Par exemple, les cours obligatoires de science et technologie dans le cursus de l’école primaire et secondaire sont un lieu de transmission par le corps enseignant d’une représentation, très souvent tronquée, de la « nature de la science » (McComas et al., 2002).
Notre recherche a comme objectif de se concentrer sur un sous-ensemble des représentations sociales de la science, à savoir sa représentation par les médias généralistes. Selon les théories de la mise à l’ordre du jour (agenda-setting theory; Cohen, 1963, p. 13; McCombs et Shaw, 1972) et du cadrage médiatique (framing theory; D’Angelo, 2019, pp. 6–7; Scheufele, 1999, pp. 109–112), ces organisations jouent un rôle crucial dans la représentation de la réalité sociale en priorisant et cadrant les contenus qui sont présentés au public. Ceci vaut évidemment pour la « compréhension publique de la science » (public understanding of science) comme le remarquait à ce sujet un rapport classique de la Société royale de Londres (Royal Society, 1985, p. 21). Celui-ci soulignait que les dynamiques propres au champ journalistique ne sont pas propices à donner une représentation fidèle de la science, que ce soit dans un sens quantitatif (couverture proportionnelle à son importance sociale) ou qualitatif (présentation non biaisée des propriétés principales de la science). Comme nous le montrerons dans les prochaines sections, les études empiriques depuis ce rapport ont effectivement établi un tel décalage entre la science et sa représentation médiatique.
Selon une enquête du Pew Research Center, 54% des Américains « obtiennent leurs informations scientifiques de médias généralistes », ce qui est une proportion beaucoup plus élevée que pour les sources spécialisées (Funk et al., 2017, p. 5; traduction libre). Cela dit, la représentation médiatique se fait également à travers les réseaux sociaux (Brossard et Scheufele, 2013, pp. 40–41). On sait, entre autres, que 40% des Canadiens qui utilisent les réseaux sociaux pour s’informer le font à travers Facebook (Newman et al., 2022, p. 119). Pour refléter cette réalité hybride combinant médias généralistes et réseaux sociaux, notre étude incorpore un volet se penchant sur la représentation de la science dans les contenus que les entreprises médiatiques rendent accessibles dans le réseau social Facebook.

La place de la science et de sa représentation médiatique

La science est centrale aux sociétés contemporaines. Les effets cumulatifs de la recherche scientifique conditionnent fondamentalement nos façons de vivre—par exemple, l’ubiquité de la technologie—et nos conceptions du monde—par exemple, la réponse de la théorie évolutive à la question de l’origine de l’espèce humaine. Par l’entremise du système universitaire, la science forme les futurs professionnels. Elle est aussi perçue comme un des principaux leviers de développement économique par les décideurs politiques.
Malgré cette centralité, la science fait rarement les manchettes. En général, la part du contenu médiatique qui représente explicitement la science est faible. Dès les premières études dans les années 1990 (Metcalfe et Gascoigne, 1995; Pellechia, 1997), la part des articles scientifiques sur le nombre total d’articles dans de grands quotidiens en Australie et aux États-Unis a été estimée à environ 2%. Pendant un certain temps, cette part semblait sur une pente ascendante (Schäfer, 2009, p. 477), mais la tendance s’est inversée avec la crise des médias des années 2000 (Editorial, 2008; Dudo, 2015; Barel-Ben David et al., 2020).
Cette modeste représentation de la science dans les médias généralistes a persisté malgré un intérêt soutenu dans le monde de la recherche et dans les cercles politiques depuis les années 1980 pour alimenter la compréhension publique de la science (Durant et al., 1989; Bauer et al., 2007; Schiele et al., 2021). Ce décalage peut s’expliquer par le fait que « la couverture de la science suit les normes journalistiques » (Dunwoody, 2014, p. 32; voir aussi Schäfer, 2011, pp. 403–404). Les médias cadrent l’information afin de capter l’attention d’un auditoire. La faible couverture médiatique de la science reflète donc le fait que les journalistes ou leurs supérieurs considèrent qu’une forte proportion des processus ou contenus scientifiques ne s’insère pas aisément dans des trames narratives bien rodées et risquent de repousser plutôt que d’attirer l’auditoire. En d’autres termes, la représentation minime de la science s’expliquerait par l’attente des acteurs du champ médiatique selon laquelle plus de science risquerait d’entraîner un désintérêt du public. Notre méthode nous permet de mesurer ces deux aspects quantitatifs : la part de la science dans les médias et l’intérêt relatif du public pour la science.

Quelle science?

La science contemporaine est multiforme. Un ensemble de recherches démontre que la représentation de la science véhiculée par les médias met l’accent sur certaines formes aux dépens d’autres (Schäfer, 2011, pp. 404–406).
Une caractéristique prédominante de la couverture médiatique est la faible mise en relation de la science avec d’autres champs sociaux. Malgré le constat général dans les études STS que la science est fondamentalement enchevêtrée avec le reste de la société et malgré la volonté de renouveler le modèle de la communication de la science pour la rendre plus dialogique et socialement informée (Bauer et al., 2007; Schäfer, 2011), la majorité de la couverture médiatique de la science était (Bucchi et Mazzolini, 2003, p. 11) et semble demeurer (Badenschier et Wormer, 2012, p. 75) muette sur les ramifications politiques, économiques et culturelles de la science.
Cette part dominante de la représentation médiatique de la science correspond à un cadrage « étroit » (Summ et Volpers, 2016, p. 776) : l’événement émane du champ scientifique—découverte, conférence, remise de prix—et est couvert de façon généralement peu critique. Il est pertinent de distinguer deux trames fréquemment utilisées pour capter l’attention de l’auditoire avec ce cadrage étroit.
D’une part, certains reportages représentent les scientifiques comme engagés dans une quête désintéressée pour repousser la frontière de la connaissance (Bush, 1945) ou, si on veut adopter une autre métaphore, pour parfaire la science comme miroir de la nature (Rorty, 1979). L’auditoire est appelé à s’émerveiller devant, par exemple, la détection de nouvelles particules élémentaires ou l’envoi de sondes en quête d’indices de vie extraterrestre. D’autre part, les journalistes misent souvent sur la dimension pratico-pratique des découvertes scientifiques : elles sont d’intérêt puisqu’elles promettent d’améliorer la vie du lecteur—il s’agit de « news you can use » (Dunwoody, 2014, p. 31).
Dans ce cadre étroit, la représentation médiatique de la science produit une image qui n’est que partiellement représentative de la science. D’une part, elle tait le rôle central de la science dans la régulation politique des sociétés contemporaines—la science étant la « cinquième branche » du gouvernement pour Sheila Jasanoff (1990). D’autre part, elle braque le projecteur sur une « science toute faite » plutôt qu’une « science en devenir » (Latour, 1987, p. 4). Le processus long et tortueux de la science est ainsi maintenu dans l’ombre tandis que le public n’est informé que de ses résultats.
La combinaison de ces deux omissions génère également une représentation de la science où l’incertitude est minimisée. La science en devenir est un processus incertain, rempli d’attentes non réalisées et de désaccords raisonnables. La science comme cinquième branche du gouvernement est un outil imparfait pour gérer les risques dans les sociétés modernes, risques qui sont eux-mêmes souvent générés par les découvertes scientifiques (Beck, 1992). La science baigne donc dans l’incertitude, mais c’est plutôt une science aux implications claires qui découle de sa représentation étroitement cadrée.
Les médias peuvent aussi offrir une représentation « élargie » de la science dans laquelle l’événement couvert n’émane pas seulement du champ scientifique (Wormer, 2009; Summ et Volpers, 2016). Ici, la science contribue à la trame narrative en étant combinée à une pluralité d’acteurs et de facteurs. Par exemple, une scientifique peut être appelée à commenter l’impact carbone lors de l’annonce d’un projet autoroutier. La science n’étant pas traitée de façon isolée, les liens avec le politique sont évidemment plus fréquents sous cette représentation. De plus, la science y est davantage présentée comme incertaine et controversée (Schäfer, 2009, p. 477), bien que cette perspective demeure présente dans une minorité de cas seulement, même dans ce cadre élargi (Summ et Volpers, 2016, pp. 784–785).

Représentation médiatique de la science : quel degré d’inertie?

Il se dégage de la littérature discutée jusqu’à maintenant que la représentation de la science par les médias généralistes est relativement stable depuis des décennies : elle est demeurée en décalage par rapport à la science contemporaine d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Cette inertie s’est manifestée malgré des appels pour changer les choses (voir par exemple Royal Society, 1985, p. 21) et des observations selon lesquelles les choses changeaient effectivement (Schäfer, 2009, p. 477).
Avant la pandémie de COVID-19, les derniers appels au changement tournaient autour de la lutte contre la désinformation (Lazer et al., 2018; Merchant et Asch, 2018). Il est peu probable que ces appels aient eu un impact significatif sur la représentation médiatique de la science. En revanche, il est plus plausible que le bouleversement social énorme provoqué par la pandémie ait produit un déplacement digne de mention de l’intensité et de la façon dont la science est représentée dans les médias de masse (Schultz et Ward, 2022, p. 77). En vérifiant l’existence et l’étendue de ce déplacement, notre étude permet de mieux estimer le véritable degré d’inertie de la représentation médiatique de la science.

Données et méthodes

Nous analysons le contenu de médias d’information canadiens de langue française (la liste figure dans l’annexe technique). Il s’agit de médias généralistes (quotidiens, hebdomadaires, stations de radio, stations et réseaux d’information télévisés locaux et nationaux, ainsi que sites web d’information). Les médias spécialisés (culture, affaires, science ou sport) sont exclus. Nous avons deux corpus pour notre liste de médias.
Le premier corpus comprend des articles publiés sur les sites web de 139 médias et saisis dans la base de données de l’Observatoire de la circulation de l’information (Rocheleau, 2017). Notre second corpus est composé des publications des 153 pages Facebook des médias couverts par notre premier corpus1. Ces publications ont été recueillies à l’aide de CrowdTangle, un outil de recherche de contenu des médias sociaux appartenant à Meta Platforms (CrowdTangle, 2020).
Ces deux corpus incluent les textes publiés dans la première moitié (janvier à juin inclusivement) des années 2017 à 2020. Cette restriction à des périodes de six mois nous permet de contrôler de possibles variations saisonnières dans notre comparaison de la première vague de la pandémie (année 2020) avec les années 2017 à 2019. Nous nous arrêtons à la première moitié de 2020, car notre collecte de données a été réalisée à l’été 2020.
Chaque texte des deux corpus (article ou publication Facebook) a été catégorisé sur la base de deux variables dichotomiques : lié à la science ou non; publié dans la première année de la COVID-19 (2020) ou non (2017 à 2019). Le tableau 1 présente la répartition des textes dans nos deux corpus en fonction de ces deux catégories. Les sous-sections ci-dessous décrivent la stratégie utilisée pour détecter un lien dans les textes avec la science ou avec la COVID (approche par dictionnaire). D’autres informations sur nos méthodes sont présentées conjointement avec les résultats dans la section suivante et dans l’annexe technique.
Tableau 1 :Répartition des textes par catégories
 ArticlesPublications FacebookTotal
 Liés à la scienceNon liés à la scienceLiées à la scienceNon liées à la science
Période pré-COVID (2017–2019)32 996665 5201 046102 166801 728
Période COVID (2020)
17 310
247 001
562
60 100
324 973
Sous-total
50 306
912 521
1 608
162 266
 
Total962 827163 8741 126 701

Identifier les textes à caractère scientifique

Au cours des trois dernières décennies, deux méthodes principales se sont imposées pour effectuer des analyses de contenu sur de grands corpus. La première est appelée l’approche par dictionnaire. Elle consiste à créer une liste de mots ou d’expressions à rechercher dans un corpus afin de classer une unité de texte dans une catégorie ou un sujet donné. L’autre approche consiste à utiliser l’apprentissage automatique pour identifier automatiquement les attributs d’un corpus. La modélisation thématique (topic modeling) est un exemple de cette deuxième méthode.
L’approche basée sur les dictionnaires est encore celle qui est la plus couramment utilisée dans l’analyse de contenu assistée par ordinateur (Guo et al., 2016, p. 335; West, 2001). Guo et ses collègues ont comparé les deux approches. Ils ont constaté que chacune a ses qualités et ses défauts, mais « lorsque les chercheurs ne s’intéressent qu’à une question ou un sujet spécifique ..., l’approche par dictionnaire reste mieux “ciblée” » (Guo et al., 2016, p. 351, traduction libre). Tel est notre cas.
Nous avons donc choisi une approche basée sur un dictionnaire pour classer nos deux principaux corpus selon que leurs contenus soient liés à la science ou non. Notre dictionnaire était assez ciblé puisqu’il ne contenait que deux chaînes de caractères appliquées au début des mots (pour un dictionnaire similaire, voir Chinn et al., 2020) :
« scien », qui nous a permis de saisir des termes tels que « science » ou « scientifique »;
« chercheu », qui nous a permis de saisir « chercheur », « chercheuse », « chercheurs » et « chercheuses ».
Notons que notre méthode identifie comme « liés à la science » les textes qui correspondent autant au cadrage « étroit » qu’« élargi » des représentations de la science dans les médias (Summ et Volpers, 2016, p. 776). C’est un choix délibéré pour capter la richesse de cette représentation. Une inspection manuelle d’échantillons de paragraphes ainsi qu’un dénombrement des cas problématiques les plus fréquents (« chercheur d’emploi », par exemple) ont établi l’efficacité de notre méthode d’identification (voir l’annexe technique). Par contre, notre choix implique que nos résultats ne sont pas comparables avec ceux des recherches qui adoptent un cadre étroit. Par exemple, Cole (1975, p. 466–467) définit les « nouvelles scientifiques » comme toutes celles « qui concernent les résultats ou l’interprétation de la recherche empirique dans les sciences, les sciences appliquées, le développement, la technologie, l’ingénierie, la médecine ou la santé publique » (traduction libre). Pour éviter les malentendus, nous ferons référence dans la suite de cet article à de l’information « liée à la science » ou « à caractère scientifique », et non à des « nouvelles scientifiques » ou à un « journalisme scientifique ».

Définir la période COVID-19

Au Canada, les provinces sont responsables des questions de santé. Dans celle du Québec, ce n’est que le 27 février 2020 que le premier cas de COVID-19 a été identifié. L’état d’urgence sanitaire a été déclaré dans toute la province le 13 mars (Gouvernement du Québec, 2020). La figure 1 montre le nombre quotidien de nouveaux cas de COVID-19 de la fin février à la fin novembre 2020.
Figure 1 :Nombre de nouveaux cas de COVID-19 au Québec en 2020 (courbe lissée par une régression polynomiale locale; source : INSPQ, 2020)
Pour trouver des articles mentionnant la pandémie dans les textes publiés en 2020, nous avons utilisé un autre dictionnaire composé de quatre termes :
« virus », ce qui englobe à la fois les mentions de « virus » et de « coronavirus »;
« COVID »;
« sras-cov » (acronyme français) et
« sars-cov » (acronyme anglais, parfois utilisé en français).
La figure 2 montre la proportion de textes dans notre corpus d’articles comprenant au moins un de ces termes. Cette proportion a explosé entre le 9 et le 16 mars pour atteindre un sommet d’environ 70% de tous les articles avant de connaître une lente tendance à la baisse tout au long de la première vague de la pandémie.
Figure 2 :Proportion d’articles dans notre corpus mentionnant « virus », « COVID », « sras-cov » ou « sars-cov », en 2020 (courbe lissée par régression polynomiale locale)
Les figures 1 et 2 établissent que le mois de mars est le mois où tout a commencé au Québec. Pour la majeure partie de notre analyse ci-dessous, nous concentrons donc notre attention sur la période du 1er mars 2020 au 30 juin 2020 comme étant la « période COVID ».

Résultats

Nos données nous permettent de documenter à quel point un choc comme la pandémie de COVID-19 déplace la représentation médiatique de la science selon des perspectives quantitative (plus de science?) et qualitative (quelle science?). Nous abordons ces deux perspectives à tour de rôle.

Plus de science?

Nous nous demandons d’abord si la pandémie est responsable d’une augmentation de la proportion de contenus médiatiques liés à la science et si ces contenus génèrent plus d’intérêt de la part du public qu’en temps normal.

Part du contenu médiatique

La figure 3 donne la proportion d’articles à caractère scientifique pour l’ensemble du premier semestre de chaque année depuis 2017. Trois résultats sont à signaler.
Figure 3 :Proportion d’articles à caractère scientifique dans les médias franco-canadiens (courbes lissées par régression polynomiale locale)
Tout d’abord, la proportion d’articles à caractère scientifique (entre 4 et 7%), quelle que soit l’année, est généralement plus élevée que les résultats rapportés dans les études précédentes mentionnées ci-dessus (moyenne autour de 2% et toujours sous 4%). Cet écart n’est probablement pas une particularité franco-canadienne, mais plutôt dû au fait que nous adoptons un cadrage élargi du contenu scientifique.
Deuxièmement, on observe une tendance à la hausse de la proportion d’articles à caractère scientifique au cours des quatre années étudiées. De 4,1% en 2017, la proportion est passée à 4,8% et 5,5% en 2018 et 2019 respectivement pour atteindre 6,5% en 2020. La croissance de cette proportion a été la plus forte entre 2019 et l’année de la pandémie, mais la proportion de science était déjà en hausse dans les médias franco-canadiens au cours des années précédentes2. Il serait prématuré de conclure que la croissance prépandémique signale une tendance à la hausse à long terme plutôt qu’une phase dans un comportement cyclique de la proportion d’articles à caractère scientifique.
Troisièmement, la proportion d’articles à caractère scientifique a atteint des sommets sans précédent lorsque la première vague de la pandémie était à son apogée et elle a diminué lorsque cette première vague s’est atténuée. Il existe donc une forte association positive entre le contexte de la pandémie et une proportion plus élevée d’articles à caractère scientifique dans les médias. Comme on s’y serait attendu, les articles qui font explicitement référence à la COVID-19 sont plus susceptibles d’être liés à la science : notre sous-corpus mentionnant la COVID est deux fois plus étroitement lié à la science (9,5%) que celui qui n’en fait pas mention (4,7%; voir l’annexe technique pour une analyse approfondie). En outre, nous constatons que le contexte pandémique a éclipsé les autres contenus scientifiques : 5,8% des articles ne traitant pas de la COVID étaient liés à la science en janvier et en février; cette proportion est tombée à 3,8% entre mars et juin 2020.
En somme, ces résultats corroborent l’hypothèse que la pandémie a augmenté, dans une perspective quantitative, la présence médiatique de la science. Comme la tendance était déjà à la hausse et que notre période est trop courte pour modéliser la tendance à long terme de la proportion d’articles liés à la science, il n’est pas possible de distinguer de façon statistiquement rigoureuse l’augmentation de la proportion attribuable au choc de la pandémie et l’augmentation attribuable à une tendance plus générale. Cependant, nous pouvons mettre une borne supérieure crédible à la part attribuable à la pandémie : ce choc majeur n’a fort probablement pas augmenté la part de contenu scientifique de plus de 20% (ou de 1,2 point de pourcentage) puisque cette ampleur d’effet demanderait que la tendance générale à la hausse depuis 2017 se soit totalement arrêtée entre 2019 et 2020.

Intensité de l’intérêt du public

L’attention des médias ne se traduit pas nécessairement par une plus grande attention de la part du grand public. Le contexte de la pandémie a-t-il donné un coup de pouce spécifique à l’intérêt du grand public envers les nouvelles liées à la science? Pour répondre à cette question, nous nous tournons vers les données de notre corpus de publications Facebook.
À chaque publication Facebook de notre liste de médias, nous associons trois caractéristiques :
1.
A-t-elle été publiée pendant la période COVID (mars à juin 2020) ou avant celle-ci (mars à juin, de 2017 à 2019)?
2.
Fait-elle explicitement référence à la science (sur la base de notre dictionnaire standard)?
3.
Quelle est la somme des interactions (partages, réactions, commentaires), ce que Facebook appelle « engagement »?
Ces questions peuvent être reformulées ainsi : dans les pages Facebook des médias, les interactions suscitées par les publications liées à la science ont-elles été plus grandes pendant la pandémie?
Afin de répondre à cette question, nous avons comparé la distribution des interactions pour nos quatre catégories de publications (prépandémie ou non; liées à la science ou non). Étant donné que la distribution des interactions est fortement asymétrique (une petite proportion de publications comporte des valeurs extrêmement élevées), nous prenons le logarithme de cette variable. La figure 4 représente la distribution de chacun des quatre types de publications.
Figure 4 :Distribution des interactions suscitées par les publications Facebook des médias canadiens francophones selon le sujet (science ou non-science) et la période (avant ou pendant la COVID-19)
On remarque que la distribution des interactions pour les publications liées à la science pendant la COVID est décalée vers la droite par rapport aux autres types de publications. Cette distribution tend à soutenir l’affirmation selon laquelle le grand public a accordé plus d’attention à la science pendant la pandémie. De plus, la figure montre que même avant la pandémie, la science suscitait davantage d’interactions que les publications non scientifiques qui, par ailleurs, provoquaient autant d’interactions dans Facebook avant la pandémie que pendant. En d’autres mots, le changement d’attention relative semble être spécifique aux publications liées à la science.
Des tests statistiques par un modèle ANOVA et par une régression linéaire corroborent la conclusion selon laquelle les publications Facebook des médias francophones du Canada ont généré plus d’interactions lorsqu’elles étaient liées à la science et dans le contexte de la première vague de la pandémie (voir l’annexe technique pour l’analyse statistique).
Quelle a été l’ampleur de ce « surplus » d’interactions pour ce qui est des publications relatives à la science? Nous présentons dans le tableau 2 les moyennes géométriques issues de notre analyse de régression.
Tableau 2 :Interactions moyennes sur Facebook concernant le contenu scientifique et le contexte de la pandémie (meilleures estimations basées sur les résultats de la régression)
CatégorieMoyenne géométrique
Non lié à la science en période pré-COVID236
Non lié à la science en période COVID241
Lié à la science en période pré-COVID290
Lié à la science en période COVID352
La moyenne géométrique des interactions suscitées par les publications Facebook liées à la science a ainsi augmenté de 21% pendant la pandémie (moyenne de 352) comparativement aux années prépandémiques (moyenne de 290). Les publications liées à la science dans les années précédant la pandémie généraient déjà plus d’interactions que celles qui ne l’étaient pas (moyenne géométrique supérieure de 23%). Ce résultat suggère que le champ médiatique sous-estimait avant la pandémie à quel point la représentation de la science pouvait intéresser le public. Mais le contexte de la pandémie semble avoir particulièrement stimulé les abonnés de Facebook : la moyenne géométrique des interactions avec les publications médiatiques liées à la science a été de 46% supérieure à celles qui n’étaient pas liées à la science. En outre, il n’y avait pratiquement pas de différence (seulement 3%) entre les périodes COVID et pré-COVID pour ce qui était des interactions sur les contenus non scientifiques4.
Pour approfondir notre étude des interactions dans les publications à caractère scientifique, nous avons examiné leur distribution temporelle. La figure 5 indique clairement que la somme des interactions a été nettement supérieure à la normale lors de deux périodes bien précises de la première vague de la pandémie :
1.
Mi-mars à début avril
2.
Fin avril à mi-mai
Figure 5 :Interactions dans les publications Facebook au cours du premier semestre de chaque année (2017 à 2020; les courbes sont lissées à l’aide d’une régression polynomiale locale)
La première période correspond aux premiers jours de l’urgence sanitaire au Québec (Gouvernement du Québec, 2020). Le public semble avoir été particulièrement friand d’information durant cette période et toutes les publications liées à la science qui ont suscité un grand nombre d’interactions concernaient la pandémie. La plus populaire, publiée le 23 mars 2020 par Radio-Canada, portait sur le lancement imminent d’une étude sur un traitement possible de la COVID-19. Les deuxième et troisième publications les plus populaires, toutes deux publiées par TVA Nouvelles, traitaient respectivement d’un nouveau-né porteur de la maladie et de traces du coronavirus retrouvées sur le bateau de croisière Diamond Princess 17 jours après le départ des passagers et de l’équipage.
La deuxième période durant laquelle les interactions ont atteint des sommets se situe au cœur de la première vague. À nouveau, la COVID se retrouve dans les publications ayant généré le plus grand nombre d’interactions : la possibilité que le virus soit également transmissible sexuellement, la découverte d’une nouvelle souche, les risques d’une réouverture trop rapide des écoles, la mort suspecte d’un chercheur travaillant sur la COVID aux États-Unis et les réactions négatives des scientifiques aux suggestions d’autotraitement faites par Donald Trump. La seule publication liée à la science qui n’était pas liée à la pandémie traitait des premières observations de frelons asiatiques (« murder hornets ») en Amérique du Nord.
En résumé, la science, plus particulièrement la science associée à la COVID-19, a suscité un nombre plus important d’interactions dans Facebook pendant la première vague de la pandémie. Il faut toutefois garder à l’esprit que ces publications partagent de nombreuses caractéristiques avec ce que l’on peut appeler un contenu « viral ». Il s’agissait de nouvelles qui étaient plus sensationnelles que réellement pertinentes ou significatives par rapport à l’ensemble des informations relatives à la COVID-19 et véhiculées par les médias au cours de la première vague de la pandémie.

Quelle science?

Les résultats de la section précédente suggèrent déjà que la science mise en avant dans les médias pendant la pandémie portait essentiellement sur la maladie. Cela n’est pas surprenant, vu que la COVID-19 a dominé la couverture médiatique entre mars et juin 2020 (voir figure 2). Au-delà de cette focalisation sans précédent sur un seul sujet, peut-on trouver d’autres changements dans la manière dont les médias ont représenté la science dans le contexte de la pandémie?
Nous avons cherché deux aspects spécifiques de ces changements : (1) le caractère fonctionnel de la science et (2) son degré d’incertitude. Nos hypothèses étaient les suivantes :
1.
La science mise en avant pendant la pandémie est :
a.
Plus explicitement associée à la « cinquième branche » du gouvernement (Jasanoff, 1990) et profondément impliquée dans la régulation politique des sociétés contemporaines;
b.
Moins présentée comme étant axée sur la compréhension du monde ou comme visant à être un « miroir de la nature » (Rorty, 1979);
c.
Moins présentée comme une source de solutions aux problèmes concrets rencontrés par les lecteurs ou comme offrant « news you can use » (Dunwoody, 2014, p. 18).
2.
La science mise en avant durant la pandémie est davantage une « science en devenir » qu’une « science toute faite » (Latour, 1987, p. 4). Nous devrions donc trouver dans l’actualité, y compris scientifique, plus d’indicateurs d’incertitude en 2020 que lors des années précédentes, car le SRAS-CoV-2 était un nouveau virus sur lequel les connaissances ont augmenté petit à petit au cours des premiers mois de la pandémie.
En somme, notre hypothèse est que le cadrage élargi de la science (Summ et Volpers, 2016) a pris plus de place pendant la pandémie. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons emprunté une approche à plusieurs volets.

Fonctions de la science

Premièrement, nous proposons de nous concentrer sur les verbes qui caractérisent la couverture médiatique de la science avant la pandémie (2017–2019) et pendant la pandémie (mars à juin 2020). Se concentrer sur les verbes est une stratégie pour éviter de ne voir que la différence thématique (la science de la pandémie par rapport aux autres sciences), car il va de soi que les noms et adjectifs liés aux questions de santé publique sont extrêmement plus présents dans le corpus 2020. À l’aide d’une analyse morphosyntaxique, nous avons repris tous les verbes des paragraphes5 identifiés comme étant liés à la science dans les articles publiés entre mars et juin de 2017 à 2020. Sur la base des fréquences relatives de ces verbes en 2017–2019 par rapport à 2020, nous pouvons extraire les verbes les plus caractéristiques de chaque période. La figure 6 présente ces verbes les plus caractéristiques6.
Figure 6 :Les 30 verbes les plus caractéristiques des paragraphes relatifs à la science des articles de presse publiés entre mars et juin en 2017–2019, d’une part, et en 2020, d’autre part.
Le graphique de droite montre que la plupart des verbes de 2020 sont fortement associés à la santé publique et à la gestion de la pandémie. Les 10 verbes les plus caractéristiques de cette période sont : infecter, contracter, transmettre, rouvrir*, propager, contaminer, immuniser, tester*, lutter, fermer*. Certains verbes (marqués d’un astérisque) sont clairement liés à l’action du gouvernement, mais ils sont aussi tellement liés à la pandémie que nous ne devons pas surinterpréter ce qu’ils représentent.
Les verbes caractéristiques de 2017–2019, pour leur part, sont simultanément non caractéristiques de 2020. Il s’agit de : découvrir, participer, améliorer*, intéresser, organiser, consommer*, expliquer, présenter, permettre, subir*. La plupart de ces verbes (ceux sans astérisque) sont fortement liés à la représentation de la science en tant qu’institution permettant de comprendre le monde. Ils laissent au lecteur l’image d’une science qui devrait « intéresser » le public parce qu’elle vise à « découvrir » et à « expliquer ». Quelques autres verbes (ceux avec un astérisque) sont plus fortement associés à la science comme offrant des « nouvelles utiles » liées à la santé : ils disent aux lecteurs comment la science peut « améliorer » leur vie, comment elle peut les aider en tant que « consommateurs » ou comment elle peut les soulager de ce qu’ils « subissent ».
Conformément à notre hypothèse, la représentation médiatique de la science pendant la première vague de la pandémie a moins mis en relief deux images du cadrage étroit : la science comme une quête détachée pour comprendre le monde et la science comme fournissant des applications pratiques pour améliorer la vie du lectorat. Quelle représentation a alors pris le plus de place pendant la pandémie? Notre hypothèse est que l’image de la science comme conseillère du gouvernement a gagné beaucoup de terrain.
Pour la vérifier, nous nous sommes demandé si le champ sémantique « gouvernement » a été plus fortement associé aux paragraphes relatifs à la science pendant la pandémie qu’avant. Nous avons à nouveau utilisé une méthode basée sur un dictionnaire pour faire cette évaluation. Nous nous sommes appuyés sur le système d’analyse sémantique UCREL (Rayson et al., 2004). Nous avons utilisé la version francophone de ce système7 que nous avons améliorée en remplaçant le vocabulaire spécifique à la France ou à l’Europe par des mots davantage liés aux contextes canadien et québécois. Ce système contient un champ sémantique baptisé « G. Gouvernement et domaine public ». Il est divisé en différentes rubriques. Seules les suivantes étaient utiles pour nos objectifs : « G1.1 Gouvernement, etc. », « G1.2 Politique » et « G2.1 Ordre public ». Ces trois champs sémantiques représentent trois domaines du « politique », respectivement l’action gouvernementale, la politique partisane et électorale, et les systèmes légal et pénal.
Pour chacun de nos deux corpus d’articles (2017–2019 et 2020), nous avons calculé la proportion de paragraphes à caractère scientifique qui incluent des mots associés aux champs sémantiques G1.1, G1.2 et G2.1. Notre hypothèse implique, d’une part, que nous devrions trouver en 2020 une proportion plus élevée de paragraphes associés à G1.1 (gouvernement) et que, d’autre part, les proportions de paragraphes liés à G1.2 (politique partisane) et G2.1 (ordre public) ne devraient pas être plus élevées pendant la pandémie qu’avant. Le contraste avec ces deux derniers domaines nous permet donc de tester si la science est en lien avec l’action gouvernementale même plutôt qu’avec une notion plus inclusive du politique.
Le tableau 3 confirme fortement notre hypothèse. Nous constatons que 24,1% des paragraphes liés à la science sont identifiés comme étant liés au champ sémantique G.1.1 (gouvernement) pendant la pandémie alors que cette proportion était de 20,3% en 2017–2019. À l’inverse, les champs sémantiques G1.2 (politique partisane) et G2.1 (ordre public) ont été davantage associés aux paragraphes à caractère scientifique avant la pandémie que pendant.
Tableau 3 :Proximité des paragraphes liés à la science avec les trois champs sémantiques sélectionnés. La valeur p est produite par un test bilatéral d’égalité des proportions
Champ sémantiqueProportion pré-COVIDProportion COVIDValeur p% de variation
G1.1 Gouvernement0,2030,2410,000018,7 %
G1.2 Politique0,0890,0840,0546−5,6 %
G2.1 Ordre public0,0950,0800,0000−15,8 %
Il faut dire que notre approche est différente de celle que Hart et ses collègues ont utilisée lorsqu’ils ont examiné la politique en opposition à la science (2020). Ils ont établi une corrélation entre une moindre mention de la science et une plus grande politisation de la pandémie de COVID-19, ce qui semble en phase avec le paysage politique et médiatique des États-Unis. Nous avons plutôt choisi d’examiner avec quelle intensité les différents domaines du politique sont associés à la science, puisque nous avons étudié les termes liés à nos trois champs sémantiques uniquement à l’intérieur de notre corpus lié à la science. Nos conclusions sont similaires à celles de Crabu et ses collègues (2021, p. 1) qui montrent que les sciences ont été quelque peu instrumentalisées par les médias qui les ont « configurées comme un corps subsidiaire de connaissances et d’expertise à mobiliser comme un auxiliaire ... utile pour légitimer l’extension du politique sur la gouvernance en temps d’urgence ». Nous n’irons cependant pas jusqu’à dire, comme eux, que la science a été « dépassée » (overwhelmed) par le politique.

Une science plus incertaine?

Nous abordons maintenant la deuxième hypothèse étudiée dans cette section : la science dans le contexte de la pandémie est-elle représentée comme étant plus instable, moins certaine? Un premier indice permettant de répondre à cette question par l’affirmative vient des verbes de la figure 6 : un verbe caractéristique du corpus 2020 est « pouvoir ». Les constructions avec des formes conjuguées de ce verbe expriment fréquemment un état possible, mais incertain.
Puisque l’utilisation des formes conjuguées du verbe « pouvoir » n’est qu’une façon d’exprimer l’incertitude, nous avons besoin d’un outil plus raffiné pour la détection de celle-ci. Malheureusement, les outils pour ce faire sont généralement en anglais et sont spécifiques à un domaine, comme la santé, par exemple (pour un survol, voir Dalloux, 2017). En français, nous n’avons connaissance que d’un seul corpus annoté à des fins de détection de l’incertitude, mais il est composé de cas cliniques en médecine (Grabar et al., 2018).
Par rapport à la littérature technique sur la détection de l’incertitude, notre objectif est relativement modeste8 : nous ne cherchons qu’un indicateur qui nous permettrait de déterminer de manière fiable lequel de deux corpus véhicule le plus fréquemment l’incertitude. Nous avons ainsi codé une règle pour identifier les phrases véhiculant de l’incertitude. Cette règle est une traduction partielle de l’anglais des modèles utilisés pour la détection de l’incertitude dans un système expert récent, NegBio (Peng et al., 2018). La règle prend en compte la présence de termes tels que « possible » et « probable », ainsi que la présence de verbes au conditionnel, ce que font également Grabar et ses collègues (voir l’annexe technique pour plus de détails). Cette règle n’est pas parfaite, mais nous sommes confiants qu’elle est en mesure de trouver de manière fiable quel corpus véhicule le plus d’incertitude. Ainsi, en prenant la proportion de phrases détectées comme véhiculant de l’incertitude dans chaque corpus, nous pouvons faire un simple test d’égalité des proportions.
Le tableau 4 indique que le contenu scientifique pendant la pandémie est plus fortement associé à l’instabilité : la proportion de phrases détectées comme véhiculant de l’incertitude est de 25% supérieure à celle des trois années précédentes. Ce résultat corrobore notre hypothèse selon laquelle, lors de la première vague de COVID-19, la science a été présentée davantage comme étant « en devenir » que « prête à l’emploi » dans la couverture médiatique.
Tableau 4 :Proportion de phrases véhiculant l’incertitude dans les paragraphes à caractère scientifique du corpus d’articles. La dernière colonne donne la valeur p associée à un test bilatéral d’égalité des proportions
 Proportion période pré-COVIDProportion période COVIDValeur p
Proportion0,1450,1810,0000

Conclusion

Notre étude a permis de quantifier et de vérifier certaines impressions sur la place de la science dans les médias pendant la première vague de la pandémie. Tout en les confirmant, nous montrons cependant qu’elles n’ont pas été aussi nettes que nous aurions pu le penser.
Oui, la science a été plus présente dans l’actualité au cours des six premiers mois de 2020. Dans notre échantillon de médias francophones du Canada, nous constatons que la proportion d’articles liés à la science a augmenté de 20% par rapport à 2019. Cette proportion était cependant déjà en hausse à partir de 2017.
Oui, le public s’est davantage intéressé aux publications Facebook des médias lorsqu’elles étaient liées à la science. La moyenne géométrique des interactions sur ces publications a augmenté de 21% par rapport aux trois années précédentes.
Oui, la science a été plus fréquemment associée à l’action gouvernementale pendant la première vague de la pandémie (de mars à juin 2020). La proportion de paragraphes relatifs à la science associés au champ sémantique « Gouvernement » a augmenté de 19% par rapport aux trois années précédentes.
Oui, la représentation de la science par les médias était davantage accompagnée d’incertitude au cours de la première vague. La proportion de phrases exprimant cette incertitude dans les paragraphes relatifs à la science a augmenté de 25% par rapport aux trois années précédentes.
Tous ces changements sont d’une ampleur à peu près équivalente. Nous pouvons donc résumer nos résultats en affirmant que la représentation de la science dans les médias francophones du Canada a fait un bond d’environ 20 à 25% au cours de la première vague de la pandémie de COVID-19. Cette représentation était plus présente, plus intéressante, plus associée à l’action gouvernementale et plus incertaine.
Cette hausse, bien que « statistiquement significative », est-elle « importante » (Ziliak et McCloskey, 2008)? Si l’on tient compte du fait que la pandémie de COVID-19 a été l’un des plus grands chocs subis par les sociétés du monde entier depuis la Seconde Guerre mondiale, ce qui se dégage de notre étude n’est pas en contradiction avec le constat général de la littérature savante à l’effet que la représentation médiatique de la science, en étant conditionnée par les normes du champ médiatique, est résistante aux changements (Dudo, 2015; Dunwoody, 2014; Summ et Volpers, 2016; Wormer, 2009). Une prochaine étude devra établir dans quelle mesure le déplacement de la représentation médiatique de la science que nous avons observé n’est que transitoire. La littérature des quarante dernières années nous fait soupçonner que cette représentation, après le choc initial de la COVID-19, reviendra graduellement à son état prépandémique.

Remerciements

Différentes sections de cet article ont été présentées lors de trois événements : la journée d’étude « La COVID, le Québec et le monde » du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (7 décembre 2020), le webinaire « La science dans l’espace médiatique en temps de pandémie » de l’ALÉA de l’Université de Sherbrooke (26 janvier 2021) et le colloque « Médiatiser la pandémie : Regards internationaux » organisé par le Groupe de recherche en communication politique conjointement avec l’Université Laval et l’Institut de recherche médias, culture, communication et numérique de l’Université Sorbonne Nouvelle (17–18 mars 2022). Nous remercions pour leurs commentaires Nathalie Pignard-Cheynel, Vincent Raynauld ainsi que toutes les autres personnes ayant participé à ces événements. Nous sommes aussi reconnaissants pour les suggestions faites par l’équipe éditoriale du numéro spécial (Camila Moreira Cesar, David Dumouchel et Thierry Giasson), pour l’assistanat de recherche de Frida Buitron-Cabrera et pour l’accès aux données offert par Sylvain Rocheleau.

Footnotes

1.
Certains médias ont plus d’une page Facebook. C’est le cas de Radio-Canada et de TVA qui ont tous deux de nombreuses pages régionales comme ICI Grand Montréal ou TVA Abitibi, par exemple.
2.
Ce résultat ne semble pas être la conséquence d’une quelconque instabilité de notre base de données. La tendance persiste (1) si nous nous concentrons sur les cinq principaux médias de la province, (2) si nous éliminons les articles de moins de 1 000 caractères, ou (3) si nous combinons ces deux contraintes. Voir l’annexe technique pour plus de détails. Notons également que l’augmentation de la part de la science lors de la pandémie est statistiquement significative peu importe la façon de séparer la période pandémique de la période prépandémique (des tests de différence de proportion donnent une valeur p bien en deçà de 0,01).
3.
Comme notre variable dépendante est en logarithme (les interactions), les moyennes sont géométriques (et non arithmétiques) une fois transformées en nombre d’interactions.
4.
Voir notre annexe technique pour une analyse plus approfondie qui établit que les publications à caractère scientifique qui ont suscité le plus d’intérêt chez les utilisateurs de Facebook pendant la première vague étaient fortement liées à la pandémie (plutôt qu’à d’autres sujets scientifiques).
5.
Dans cette étape, nous nous concentrons sur des paragraphes individuels plutôt que sur des articles complets pour éviter d’inclure un grand nombre de verbes présents dans une partie d’un article où il pourrait ne plus être question de science. Dans les articles « liés à la science », l’expression régulière que nous utilisons pour détecter ce lien à la science ne se retrouve que dans 8% des paragraphes. Nous nous limitons à ces paragraphes où il est explicitement question de science.
6.
Voir l’annexe technique pour des exemples des paragraphes les plus représentatifs du contexte d’utilisation des 10 principaux verbes dans chaque sous-corpus.
7.
Voir https://github.com/UCREL/Multilingual-USAS/tree/master/French pour le lexique de langue française. Voir d’autre part l’annexe technique pour plus de détails sur nos améliorations et sur notre procédure pour valider nos listes de termes.
8.
La littérature technique tente d’identifier de manière fiable tous les marqueurs d’incertitude dans un corpus et l’étendue qu’ils couvrent dans chaque phrase.

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Published In

Go to Canadian Journal of Communication
Canadian Journal of Communication
Volume 48Number 3September 2023
Pages: 501 - 528

History

Received: 20 July 2022
Revision received: 9 December 2022
Accepted: 6 April 2023
Published in print: September 2023
Published online: 27 October 2023

Keywords:

  1. content analysis
  2. media/mass media
  3. science and technology studies
  4. science communication

Mots clés : 

  1. analyse de contenu
  2. médias de masse
  3. sciences
  4. technologie et société
  5. communication scientifique

Authors

Affiliations

François Claveau
Biography: François Claveau est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en épistémologie pratique et est professeur agrégé au Département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Courriel : [email protected].
Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada
Jean-Hugues Roy
Biography: Jean-Hugues Roy est professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), journaliste et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST). Courriel : [email protected] .
Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec, Canada
Olivier Santerre
Biography: Olivier Santerre est professionnel de recherche à la Plateforme en humanités numériques (PHuN) de l’Université de Sherbrooke. Courriel : [email protected] .
Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada

Notes

Accès aux données et à l’annexe technique : Les données brutes ne seront pas rendues publiques. Les chercheurs qui désireraient accéder à celles-ci peuvent contacter les auteurs pour de plus amples informations. Par contre, l’annexe technique contenant des données prétraitées et le code informatique utilisé dans cette étude peut être consulté à https://zenodo.org/record/7388686.
Soutien financier : Cette recherche a reçu le soutien financier du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (Fonds de recherche du Québec - Société et Culture, no. 203845) et du programme des Chaires de recherche du Canada.
Divulgation des renseignements : Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt à déclarer.
Contributions : Les trois auteurs ont contribué à parts à peu près égales à l’élaboration de ce projet de recherche et de son cadre théorique, à la collecte de données et à leur analyse, ainsi qu’à la rédaction de l’article présenté à la Revue.

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François Claveau, Jean-Hugues Roy, and Olivier Santerre
Canadian Journal of Communication 2023 48:3, 501-528

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